Il courrait, haletant de fatigue, à travers les petites ruelles de la cité basse. Derrière lui, deux hommes le poursuivaient, le maudissant et l'insultant. Lui, il passait aisément à travers la foule présente, c'était mercredi, jour de marché dans le coin, et il venait de commettre son premier larcin de la journée. Le petit jeune devenait rouge, la course le fatiguait et il ne voyait pas s'éloigner ou s'arrêter ses poursuivant. A la limite de l'abandon, il prit à l'intersection et se rabattit rapidement derrière un mur, espérant ne pas être rattrapé par ses poursuivants. Hors d'haleine, il les entendit approcher à leur démarche forte et sans aisance. Ils s'arrêtèrent non loin de lui, mais ne le virent pas de suite. Son cœur battant la chamade, il se savait condamné. S'ils faisaient un pas supplémentaire, l'un d'eux le verrait sûrement et il tenterait, désespérément de fuir. Alors qu'il luttait difficilement pour masquer son souffle presque coupé, il les entendait l'injurier. Ils avaient, eux aussi, du mal à respirer et les seuls mots qu'ils s'échangeaient n'étaient que des insultes à son encontre. Puis, il le vit. L'un d'eux approchait, mais il ne le voyait pas encore. Il n'avait qu'à tourner la tête dans sa direction et c'était terminé.

Tout en disant cela, le jeune garçon bien habillé, tirait le pantalon du poursuivant. Agaran profita alors de cet instant pour s'éclipser discrètement, alors que le second homme venait à l'approche de son "sauveur".

Alors qu'il allait le pousser violemment sur le côté, en regardant toujours dans la mauvaise direction, il sentit quelque chose le bloquer. Quelque chose - ou quelqu'un - qu'il n'avait pas vu jusqu'alors.

Thénos venait de croiser le jeune Agaran, tout sourire, lorsqu'il le vit. Le charpentier connaissait le petit gosse, il lui savait une sale manie à prendre tout ce qu'il voulait et à le garder jusqu'à la fin. Jamais il n'avait rendu ce qu'il avait prit, jamais, sauf à Thénos. Le borgne n'était pas du genre à faire dans la dentelle, même avec un gamin miséreux, mais avait réussi à dompter le petit voleur, mais cette fois, il le laissait partir, car c'était un autre gamin dont il fallait s'occuper.

Il regardait l'homme, mais s'adressait au fils de son cousin. Cela faisait déjà quelques semaines qu'on lui avait demandé de le garder et de le faire devenir un vrai homme. Il avait tout juste treize ans, mais ne voyait les autres qu'avec un léger dédain et une irrépressible envie de les embêter. Par chance, il avait réussi à l'éloigner d'Agaran, mais cette fois, il semblait qu'ils se soient ligués contre deux brutes épaisses. Mais ce n'était pas pour cette raison que Thénos lui posait la question. Cela faisait deux heures qu'il l'attendait pour amener un chargement en ville haute. Une maison avait été détruite, et on l'avait mandé d'en construire les fondements d'une nouvelle. L'anti-impérialiste, encore refoulé, n'avait pas refusé une telle offre, et il ne pouvait y aller sans la compagnie de Hervin. Qui sait ce que ses parents diraient, s'il le laissait dans la cité basse seul.

Alors qu'il tenait encore le bras du poursuivant d'Agaran, l'autre s'approcha brusquement de lui et le bouscula, pour lui faire lâcher prise, inutilement, l'autre le suivit malgré lui. La poigne du charpentier était suffisante pour tenir, à bout de bras, une planche en bois de plusieurs dizaine de kilos, ce ne serait pas une petite bousculade telle celle-ci qui le ferait céder. Il sourit avant d'ajouter.